Le Congrès des Maires de la Haute-Corse s’est déroulé le 16 septembre au Complexe Sportif de la ville de Borgo

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Quelle politique pour le logement en Corse ?

A l’occasion d’une journée de travail particulièrement dense, nombreux ont été les élus ayant répondu à l’invitation d’Ange-Pierre Vivoni et d’Anne-Marie Natali afin d’aborder la problématique du logement sous tous ses angles : diagnostic, procédures, accompagnements de l’Etat et de la CDC, financements, impact de la loi Climat et Résilience avec le Zéro Artificialisation Nette, bail social solidaire et perspectives. Echanges et débats au programme pour trouver des solutions et imaginer la Corse de demain.

L’assemblée générale de l’association des maires de la Haute-Corse s’est tenue le 11 février à Borgo

Ils étaient plus de 180 personnes, élus, architectes, urbanistes, chefs d’entreprise du BTP, décideurs publics à participer à cette nouvelle édition du Congrès des Maires de la Haute-Corse et du salon des collectivités locales qui s’est tenue à Borgo, le 16 septembre dernier.

Un grande première pour l’Association des Maires et des Président d’EPCI du département car l’événement n’avait plus été organisé depuis l’apparition du COVID en 2020. L’affluence, quant à elle, dépassait les espérances d’Ange-Pierre Vivoni, son Président. Les Maires, faut-il le préciser, sont sensibles à cette problématique majeure dans un pays qui rencontre une forte crise de l’habitat.

Pour l’occasion, plusieurs intervenants se sont succédé à la tribune : Antonin Bretel de l’INSEE, Solange Rognard, Présidente du GIRTEC, Julien Paolini, Président de l’Agence d’Urbanisme de la Corse, Emmanuelle de Gentile, 1ere Adjointe au Maire de Bastia, Pierre Savelli, maire de Bastia, Jean-Baptiste Luccioni, maire de Pietrosella ou encore le Président du Conseil Exécutif Gilles Simeoni et le Préfet de la Haute-Corse, Michel Prosic sous le regard attentif du vice-président de l’Association des Maires de France, Guy Geoffroy, représentant David Lisnard.

Tout d’abord, il était impératif de dresser l’état des lieux général de la Corse et du logement dans l’île d’après les études de l’INSEE : « La Corse est la région où la croissance démographique est la plus importante, trois fois plus que la moyenne nationale. Il y a 132 074 logements en Haute-Corse, 123 000 en Corse du Sud. C’est encore une fois la région de France métropolitaine avec la croissance la plus importante en termes de construction de logements au cours des dix dernières années. Sa croissance est d’ailleurs est plus élevée que celle de la population. Pour le département, on recense 23 300 logements en plus pour la dernière décennie. Ce parc de logement est marqué par un parc social en retrait par rapport aux autres régions. Nous avons 446 logements sociaux pour 10 000 habitants en Corse alors que la moyenne nationale est à 770. Ensuite, nous en arrivons au taux des résidences secondaires qui est de 37,4% en Corse qui est première loin devant PACA à 17%. La moyenne nationale est de 9,9%. » a souligné Antonin Bretel. 

Des lignes se dessinent entre poids de la construction neuve, poids du marché des résidences secondaires pour l’économie du BTP en Corse qui représente près de 10 000 salariés uniquement sur le département de la Haute-Corse. Une réponse pourrait être apportée, celle de relancer la ruralité à travers le marché de la rénovation et pour les municipalités d’acquérir un patrimoine à l’abandon via la procédure des biens sans maître comme l’ont expliqué Solange Rognard et Chiara de la Foata du GIRTEC.

Julien Paolini a expliqué les différents leviers de la CDC pour agir dans le domaine du logement, de la rénovation énergétique ou encore de l’acquisition à la propriété à travers le dispositif « Una casa per tutti, una casa per ognunu ». Le maire de San Giuliano, François-Xavier Ceccoli relève : « On s’aperçoit que la constructibilité s’est effectuée dans des territoires extrêmement touristiques et cela ne bénéficie pas au logement des Corses. Le problème est là. Les communes rurales aimeraient avoir un peu plus de possibilité pour pouvoir loger leurs habitants. Second sujet, celui des résidences principales et secondaires, je ne crois pas au statut de résident mais notre problème en tant qu’élu est de ne pas disposer des outils suffisants pour favoriser les résidences principales. Des compétences doivent aussi être transférées aux maires qui sont en première ligne pour rendre des comptes à leurs administrés. »

Cette idée de libérer l’esprit d’initiative des maires ne déplait au Président du Conseil Exécutif, Gilles Simeoni : « Nous nous devons de réussir ensemble à travers une démarche ayant vocation à converger. Institutionnellement, rien ne serait plus inefficace et dangereux que d’opposer les maires, la Collectivité de Corse et l’Etat en matière d’urbanisme par exemple. Y compris dans la perspective d’un statut d’autonomie, il n’y aura pas de big bang, on restera, de toute façon, quelque soit la graduation du statut obtenu dans un jeu qui se jouera à trois notamment dans le domaine de l’urbanisme avec un Etat qui continuera à fixer les règles principales d’une part, d’autre part à exercer le contrôle de légalité y compris sur les normes nouvelles que pourraient produire la Collectivité de Corse. Sur le point principal, nous avons vocation à mieux construire en termes de vocation spatiale, d’offres de logement, d’intégration architecturale. Cela ne veut pas dire priver les maires de leur capacité de gestion de l’urbanisme. Le statut d’autonomie doit nous permettre de reconfigurer l’ensemble des lois d’urbanisme qui n’ont pas été configurées spécifiquement pour l’île. »

L’assemblée générale de l’association des maires de la Haute-Corse s’est tenue le 11 février à Borgo

Le maire de Biguglia, Jean-Charles Giabiconi a évoqué la question des coûts de construction, véritable frein à la création de logements en particulier de logements sociaux : « En 2010, on fabriquait du logement social aux alentours de 1100 euros HT le m2, en 2017, c’était 1350 euros, en 2019, 1550 et
aujourd’hui, nous en sommes à 2100 euros HT le prix de construction. Cela laisse très peu de marge aux opérateurs sociaux. Au titre d’une ville comme Biguglia qui doit répondre aux besoins de la loi SRU, c’est carrément une ville qui doit être construite et cette équation semble très compliquée à
résoudre. »

Un sujet qui nécessite une vraie réflexion qui n’a pas été encore menée jusqu’à présent par l’Etat et l’ensemble des décideurs publics. Dans l’après-midi, Pierre Savelli a développé sa vision pour transformer autant que possible la loi Climat et Résilience comme une opportunité pour appréhender le monde de demain, celui qui devra appréhender l’enjeu climatique, la raréfaction des ressources naturelles avec les besoins quotidien de la population.

Sur le fond, le maire de Bastia propose une pérequation innovante à l’échelle intercommunale pour répartir les besoins de logement : « Comment fait-on pour parvenir aux objectifs de la loi et de son objectif de Zéro Artificialisation des Sols sans léser personne et surtout pas les gens qui ont été vertueux ? Entre 2011 et 2021, 2111 hectares ont été artificialisés en Corse pour 40 000 habitants de plus sur la même période. Le taux d’artificialisation en Corse est de 5,4% alors qu’il est de 1,4% au niveau national. Le schéma du lotissement qui a été la règle « main stream » en Corse durant des années est terminé car Il faut rajouter à l’artificialisation, le réchauffement climatique, la diminution des ressources en eau, la difficulté à produire de l’énergie, le coût des transports, etc. » Le maire de Bastia précise que le ZAN est une contrainte mais qu’elle est essentielle : « Je crois au cadre, je crois à la définition de
règles permettant à l’individu de s’épanouir dans la société. »

Une loi Climat et Résilience revue et modifiée par le Sénat et l’Assemblée Nationale, il y a quelques semaines à la demande de l’Association des Maires de France comme l’a indiqué son vice-président Guy Geoffroy : « Ma commune, Combs-la-Ville est en agglomération nouvelle. C’est un territoire qui a vocation à développer du logement et de l’activité et à augmenter son occupation des sols. Ma première décision en tant que maire en 1995, a été de stopper la croissance démographique. J’ai donc rendu 160 hectares à l’agriculture sur les 1400 hectares du territoire communal. Etre vertueux ne paye pas puisqu’il nous restait 25 hectares à vocation économique, la commune en a besoin et le dispositif ZAN nous rafle ces 25 hectares. C’est un exemple parmi tant d’autres du caractère difficilement applicable d’une règle mal-conçue au départ et dont le sort ne peut être positif comme l’a rappelé le maire de Bastia que si on laisse aux territoires, une véritable capacité de l’adaptation de ce texte positif dans son essence, aux réalités locales. »

Autre enjeu évoqué, celui de la politique de renouvellement urbain à travers l’exemple de Bastia expliqué par la première adjointe au Maire, Emmanuelle de Gentile : « Nous avons travaillé sur les trois piliers essentiels que sont la cohésion sociale, l’urbain et le développement économique. Le Contrat de Ville a permis de bâtir des projets intégrés sur ces trois dimensions.» Dernier intervenant avant la conclusion des travaux, Jean-Baptiste Luccioni, le maire de Pietrosella qui a mis en place un bail social solidaire pour permettre à sa population villageoise de continuer à se loger malgré un prix au m2 qui est l’un des plus chers de France, 7000 euros/m2 : « En 2001, il y avait plus de 60% de résidences secondaires pour plus de 2000 habitants. En 2020, le constat est identique, 58% de résidences secondaires et presque 2000 habitants. Nous n’avions pas réussi notre mission de permettre à notre population de vivre dans des conditions décentes. Nous avions utilisé pourtant de nombreux leviers. Dans notre PLU de 2007, des critères furent mis en œuvre comme l’obligation de réaliser 20% de logements sociaux. Nous avons aussi réalisé un lotissement communal, nous avons utilisé le droit de préemption mais nous n’avons pas pu réguler le marché et nous sommes la 133 ème commune la plus chère de France. Par le biais d’un office foncier solidaire, nous avons pu faire en sorte que l’impact sur le coût de revient pour le ménage qui va devenir propriétaire est de 30 à 50% de moins sur notre territoire. On peut ainsi produire et vendre des logements permettant au plus grand nombre d’accéder à la propriété. »

En conclusion, le Préfet de la Haute-Corse, Michel Prosic a indiqué : « Ce qui nous attend dans les prochaines années, c’est une obligation de réussite car nous avons une démographie et une économie qui en dépendent. Nous rencontrons tous les jours des chefs d’entreprise qui nous disent manquer de
ressources humaines. Nous avons aussi un département vieillissant, comment faisons-nous pour adapter nos logements et faire en sorte que nos anciens vivent le plus longtemps possible chez eux. Ce qui nous attend, c’est la solidarité territoriale, nous ne pourrons plus construire partout et le rôle du PADDUC permettra à chacun de prendre ses responsabilités pour une répartition territoriale si ce n’est harmonieuse au moins équilibrée en termes de logements. Sur le logement social, on a certainement une marge de progression. Honoré de Balzac disait qu’il y avait « deux sortes de territoire… Le territoire où les hommes et les femmes qui y vivent se posent la question : « que vais-je devenir ? » et le territoire où les hommes et les femmes se posent la question : « que puis-je faire ? » Le maire de Pietrosella nous a montré que l’on peut faire ! »